"Nous étions classés meilleur restaurant du monde"

J’ai débuté sur le France après mon retour de la Guerre d’Algérie, en octobre 1962. J’avais commencé à travailler pour la Transat en 1955 comme mousse courrier. Affecté au service de la salle à manger première classe, j’ai vécu des moments formidables même si le travail était strict dans le comportement comme la tenue. J’ai côtoyé des stars et des têtes couronnées. Environ 95 % de nos clients étaient Américains. Derrière leur apparence décontractée se cachait une grande exigence mais aussi une grande fidélité si vous leur plaisiez : les voyageurs qui revenaient à bord demandaient alors à être servi par untel ou untel. Nous étions alors classés « meilleur restaurant du monde » et le France servait d’Ambassadeur du pays partout où il naviguait. J’ai servi jusqu’en 1974 et ai débarqué lors de l’avant-dernier voyage du France. J’ai donc connu le déclin de la Transat, passant de 5 navires à un, puis plus rien… C’était une belle époque même si on devait parfois travailler 14 heures par jour. On était 900 membres d’équipage, tous Français et même à 85 % Bretons ! Quand nous faisions escale au Havre, c’était la fête et toute l’activité commerçante s’en ressentait. J’ai une nostalgie heureuse de cette époque. Le retour du nez me ravit car c’est un morceau mythique qui attirera celles et ceux qui ont connu le France ainsi que les autres toujours fascinés par ce symbole du luxe et des trente glorieuses.